Notre soirée d’hommage à Simha Arom se justifie pleinement par son passage en tant qu’enfant au camp de Brens mais aussi par son vécu d’enfant caché au Collège Jean Jaurès de Castres et son séjour à la ferme-école de Lautrec animé par les Éclaireurs israélites de France mais aussi par son parcours tourmenté à travers la zone dite libre de la France durant la Seconde Guerre Mondiale.

Le film « SIMHA » de Jérôme Blumberg est programmé dans le cadre de la manifestation « Notre hommage à Simha Arom » organisée par l’Association pour Perpétuer le Souvenir des Internées des Camps de Brens et de Rieucros en partenariat avec le Festival Gresinhòl et le GMEA – Centre National de Création Musicale d’Albi du 21 au 23 octobre à l’Imagin’Cinémas de Gaillac et dans le parc du château de Saint Beauzile.
Cette projection se fera en présence de son réalisateur Jérôme Blumberg et de l’ethnomusicologue Simha Arom qui répondront aux questions du public.
Le réalisateur suit l’ethnomusicologue depuis les années 90. Ce film construit sur des interviews et des images d’archives nous fait découvrir la vie et la carrière de ce chercheur qui a réussi à analyser la complexité des polyphonies et polyrythmies des Pygmées AKA, comme celles de bien d’autres communautés ethniques d’Afrique centrale. Ses travaux ont influencé nombre de compositeurs comme Luciano Berio, György Ligeti, Steve Reich.
Né à Düsseldorf en 1930, Simha Arom fuit l’Allemagne nazie en 1938 avec sa famille. Après plusieurs mois d’errance en Belgique et en France, les Arom sont internés aux camps de Brens puis de Rivesaltes, ils s’en évadent, mais les parents sont repris et déportés à Auschwitz d’où ils ne reviendront pas. En 1944 à 14 ans, Simha rejoint la Palestine où il intègrera l’orchestre symphonique de Jérusalem. En 1963, au contact des Pygmées de Centrafrique, il deviendra un ethnomusicologue de renommée internationale. Le film l’accompagne dans ses travaux et sa vie mouvementée.
En préambule à cette soirée d’hommage, le chanteur Bernard Ariès nous interprétera quelques poèmes qu’il a mis en musique d’Esther Granek[1] qui, comme Simha Arom, a séjourné enfant au camp de Brens.
[1] Esther Granek est née à Bruxelles le 7 avril 1927 de Miriam Gelernter-Cwi et Gershon Cwi (Zvi). Elle est autodidacte du fait des lois anti-juives qui interdisent aux enfants juifs de fréquenter des écoles non-juives, durant l’Occupation. Pendant la Seconde Guerre mondiale, en 1940, elle quitte Bruxelles avec sa famille et se réfugie en France à Bagnères-de-Luchon où ils sont arrêtés et internés au Centre d’hébergement pour Juifs étrangers de Brens. (Encore libre de circuler sur Gaillac mais privés de papiers) Avant le transfert de ces réfugiés vers les camps fermés de Rivesaltes, Gurs ou du Récébédou et pour la plupart leur Déportation vers les camps d’extermination nazis, sa famille a pu s’échapper du camp au début de l’année 1941 et revenir à Bruxelles. Jusqu’en 1943, Esther resta cachée chez son oncle et sa tante Jean Gorren et Henriette Gelernter Gorren. De 1943 jusqu’à la fin de l’occupation nazie, elle fut cachée à Bruxelles avec de faux papiers par une famille chrétienne qui la fera passer pour leur enfant. Elle vivra le reste de sa vie en Israël où elle décèdera en 2016 après avoir écrit de nombreux poèmes et chansons.
En complètement d’information, voici l’article de présentation de notre hommage à Simha Arom publié dans le bulletin de l’été de notre association :
Notre hommage à Simha Arom
En octobre 2017, notre association avait invité le professeur Marcel Frydman qui avait séjourné d’octobre 1940 à janvier 1941 dans le « Centre d’hébergement pour Juifs étrangers » ouvert au camp de Brens par les autorités préfectorales de Haute Garonne – avec la coopération du Comité juif de bienfaisance de Toulouse – du fait de l’afflux de réfugiés arrivant en grand nombre à Toulouse, principalement de Belgique. Marcel Frydman [1], qui est par la suite devenu professeur de psychologie à l’Université de Mons-Hainaut nous y avait donné une très intéressante conférence sur le thème du traumatisme de l’enfant caché.
Nous nous réjouissons d’accueillir le 21 octobre prochain à Gaillac une autre personnalité ayant séjourné enfant – à l’âge de 10 ans – dans ce Centre d’hébergement, l’éminent ethnomusicologue Simha Arom – alors prénommé Simche-Fred – qui était accompagné de ses parents David et Liebe ainsi que de son grand frère Elimelech-Eduard.

Ce centre a rassemblé, entre octobre 1940 et mars 1941, 1300 Juifs étrangers dont de nombreux enfants ainsi que 300 républicains espagnols dans des installations prévues pour 400 personnes. A cette époque, le camp de Brens n’était pas encore ceint de sa double clôture de barbelés et de palissade de bois. Les « hébergés » pouvaient encore sortir du camp mais cette relative liberté de circulation a été ultérieurement réduite aux environs du camp par la confiscation de leurs papiers d’identité. En février et mars, le filet se resserra autour des réfugiés juifs qui furent orientés vers des camps fermés. Le camp de Gurs pour les célibataires, le camp du Récébédou pour les malades et le camp de Rivesaltes pour les familles. C’est dans ce dernier camp que la famille Arom fut donc transférée en mars. Elle réussit à s’en évader grâce à l’hospitalisation du fils aîné qui leur permettait de sortir du camp pour lui rendre visite. Cependant, même hors des camps, la vie de réfugiés juifs s’avérait de plus en plus difficile dans la zone sud.
Aussi ses parents, qui devaient bientôt être déportés – en août 1942 de leur résidence surveillée à Aiguebelette-Le Lac en Savoie – durent se résoudre à se séparer de leurs fils en les confiant à la Maison d’enfants de Moissac [2] créée à l’initiative de Robert Gamzon et dirigée par Shatta et Edouard (dit Bouli) Simon pour les Éclaireurs israélites de France.
Lors de la grande rafle organisée par l’État français en zone libre le 26 août 1942, des cars affrétés par le préfet de région Léopold Marie Frédéric Chéneaux de Leyritz sont venus à la Maison d’enfants de Moissac pour y prendre leur contingent d’enfants juifs étrangers. Cependant grâce à l’alerte de Gilbert Lesage [3], haut fonctionnaire de l’État français responsable du service social des étrangers, tous les scouts israélites ont pu être sauvés en s’éparpillant dans la campagne environnante. En novembre 1943, la maison est dissoute du fait de l’intensification des rafles. Un refuge est trouvé pour tous les enfants. Pour Simche-Fred (Simha) et dix de ses camarades, ce fut à l’internat du collège Jean Jaurès de Castres jusqu’à la fin de l’année scolaire. Simha et ses camarades sont alors amenés à la Ferme école des Ormes [4] à Lautrec (Tarn), elle aussi fondée par Robert Gamzon pour accueillir les enfants et les adolescents juifs expulsés d’Alsace-Lorraine et des jeunes réfugiés de la région parisienne.
Nous en apprendrons certainement davantage sur le périple du jeune Simha à travers la Seconde Guerre mondiale dans le sud de la France au cours de l’hommage que notre association lui rendra jeudi 21 octobre prochain à Gaillac (dans la grande salle de l’Imagin’ Cinéma à partir de 20h30). Nous y présenterons le film Simha en présence de son réalisateur Jérôme Blumberg et de Simha Arom. Tous deux répondront aux questions du public qui, nous l’espérons, participera en nombre à cette rencontre exceptionnelle.
Le film de Jérôme Blumberg évoque le parcours de vie de Simha et ce parcours est si riche en événements biographiques d’ordre historique, mais aussi d’ordre scientifique dans le domaine ethnomusicologique, qu’il n’était guère possible pour le réalisateur de les retenir tous pour un film documentaire d’une durée de 82 minutes. Aussi pourrons-nous interroger nos invités pour en apprendre davantage sur les séjours de Simha dans le Tarn. Le film évoque notamment les recherches novatrices de l’ethnomusicologue qui a réussi à analyser la complexité des polyphonies rythmiques et vocales des Pygmées Aka de Centrafrique. Ses travaux ont été si importants qu’ils ont influencé de nombreux compositeurs tels que György Ligeti, Luciano Berio, Steve Reich…

Du fait de l’importance de ses travaux ethnomusicologiques, nous avons souhaité élargir notre hommage à la musique et à l’ethnomusicologie auxquelles Simha Arom a consacré tant d’années de sa vie. Pour cela nous nous sommes associés au Festival Gresinhòl – dont le double thème est musique et forêt – ainsi qu’au GMEA – Centre National de Création Musicale d’Albi qui nous proposeront [5] un concert exceptionnel de musiques des Pygmées Aka du Congo avec l’Ensemble Ndima. Ce concert sera donné dans un lieu qui ne pouvait être plus approprié à un peuple de la forêt : le parc du château de La Fage à Saint-Beauzile au cœur de la forêt de Grésigne. Il sera présenté par l’ethnomusicologue Sorel Eta, formé par S. Arom. Il sera précédé d’une interprétation du second quatuor à cordes de György Ligeti par le Quatuor Akilone dont la violoncelliste Lucie Mercat est la directrice artistique du festival. Il est à noter que cette programmation aura une 2nde partie le 22 avril 2022 avec le concert ÄKÄ – Free voices of forest de la jeune et talentueuse vocaliste de Jazz, Leïla Martial avec Remi Leclerc aux percussions corporelles et à nouveau l’Ensemble Ndima.
Remi Demonsant
[1] Marcel Frydman, Le traumatisme de l’enfant caché. Répercussions psychologiques à court et à long termes, préface de Serge Klarsfeld, Editions L’Harmattan, 2002.
[2] La Maison d’enfants de Moissac a abrité durant la Seconde Guerre mondiale près de 500 enfants juifs, des bébés comme des adolescents, tous sauvés de la Déportation grâce à la complicité active de la population de Moissac et particulièrement des deux maires qui se sont alors succédé à Moissac, Roger Delthil et Louis Moles ainsi que des artisans de la ville qui emploient en apprentissage les adolescents de la maison.
[3] Gilbert Lesage a été un fonctionnaire de Vichy, chef de l’important Service Social des étrangers qui est intervenu directement dans les camps d’étrangers en France. Il détourna l’action de son service pour en faire un important outil de sauvegarde des Juifs au nez et à la barbe de Vichy. Pacifiste, Quaker engagé et activiste inclassable, il échappa de peu à la Milice mais reste une personnalité étrange et controversée.
[4] En 1940, afin d’accueillir les enfants et les adolescents Juifs expulsés d’Alsace-Lorraine et des Juifs réfugiés de la région parisienne, Robert Gamzon – fondateur des Éclaireurs israélites de France – ouvre la Ferme école des Ormes à Lautrec où ces jeunes bénéficient d’un apprentissage des travaux agricoles et de travaux manuels. Ils seront ainsi cachés sous couvert du retour à la terre prôné par le gouvernement de Vichy et seront protégés grâce à des solidarités
[5] Avec le soutien du Conseil Départemental, de l’ADDA et du Conservatoire de musique et de danse du Tarn.