L’historial

L’historial

Comme le rappelle en 2000 l’historien Denis Peschanski (1), dans sa thèse intitulée « Les camps français d’internement (1938-1946) » :

Février 1939 : le premier camp d’internement français ouvrait ses portes à Rieucros, en Lozère. Mai 1946 : les derniers internés quittaient le camp des Alliers, en Charente. Entre ces deux dates quelques 600 000 personnes furent internées, pour un temps variable, dans quelque 200 camps, à la durée et au statut variables. Ce qui frappe au premier abord c’est à la fois l’ampleur du phénomène et sa durée, puisqu’il a concerné tous les départements sans exception et qu’il a traversé trois régimes, la Troisième République finissante, l’État français sous tutelle et la République renaissante.

Il précise que ces personnes « se sont retrouvées enfermées non pas pour des délits ou des crimes qu’elles auraient commis, mais pour le danger potentiel qu’elles représenteraient pour l’État et/ou la société ». 

C’est justement pour prendre le relais du camp de Rieucros que le camp de Brens a accueilli de février 1942 à juin 1944 principalement des femmes et leurs enfants, dont celles d’entre elles qui étaient juives furent déportées en février 42 vers Auschwitz

Voici des faits, tels qu’en attestent des documents (registres administratifs, textes de lois et autres archives diverses, photos, films) mais aussi des témoignages, certains directs de personnes encore vivantes mais en nombre de plus en plus retreint, la plupart simplement enregistrés ou « orchestrés » dans un documentaire ou un film.

Pour autant, ces faits ont besoin d’être régulièrement documentés et partagés pour en constituer la « vérité » dans un environnement où le rapport à la réalité est très bousculé, dans une tension perpétuelle entre approche scientifique et tentative de révisionnisme, sur fond de manipulation de l’information…

Ni monument, ni mémorial, l’historial est un terme inventé par l’historien Gerd Krumeich(2) lors de la création de l’Historial de la Grande Guerre, à Péronne, dans la Somme. C’est à la fois un musée d’histoire de la Première Guerre mondiale, un centre international de recherches et un centre de documentation. 

Ce terme d’historial désigne plus largement aujourd’hui tout musée retraçant le parcours historique international d’un haut lieu de la mémoire ou d’un grand personnage historique. 

Le projet de notre association est de perpétuer le souvenir des internées du Camp de Brens et nous avons la chance pour ce faire qu’une partie des lieux soit plutôt bien conservée. 

La difficulté est que l’ancien camp était situé sur un périmètre constitué aujourd’hui de deux propriétés privées : l’un des propriétaires, qui a récemment acquis la partie correspondant à l’ancien « château » du directeur du camp, au corps de garde, à quelques bâtiments très dégradés et à 8 hectares de bois, est favorable à un partenariat public/privé qui permettrait de rendre accessibles les lieux pour le grand public en mettant à sa disposition tous les éléments d’information. Nous poursuivons les négociations avec l’autre propriétaire, dont la partie correspond à ce que l’on voit du camp de l’autre côté du pont St Michel, notamment la citerne mirador.

A terme, nous voulons installer sur tout ou partie de l’ancien camp un lieu permettant d’accueillir du public, notamment le public scolaire, pour allier mémoire vivante, pédagogie, recherche universitaire, mémoire familiale (de nombreuses personnes dans le monde entier nous contactent pour reconstituer le parcours de membres de leurs familles), histoire locale et histoire internationale…

(1) Denis Peschanski. Les camps français d’internement (1938-1946) - Doctorat d’Etat. Histoire. Univer- sité Panthéon-Sorbonne - Paris I, 2000
(2) Daniel Bermond, Gerd Krumeich, un amour de Jeanne, dans "Historia" n°372, 2012, page 20