Brens : centre d’hébergement pour Juifs étrangers : octobre 1940-mars 1941
Marcel Frydman (1930-….)
Marcel Frydman est hébergé à Brens du 3 octobre 1940 à janvier 1941 avec sa mère. Des amis belges ont dépêché auprès d’eux un « passeur » qui, début janvier 1941, les a ramenés en Belgique où ils ont survécu, cachés séparément jusqu’à la Libération – Marcel dans un centre d’enfants déficients intellectuels. Privé d’école jusqu’à la fin de la guerre, il a su développer ses connaissances et ses compétences intellectuelles en interrogeant systématiquement tous les adultes du centre et tous les visiteurs (parents, fournisseurs, artisans). À la Libération, un examen de ses compétences montre qu’il a acquis un niveau suffisant pour être intégré dans sa classe d’âge. Par la suite il entreprend des études de psychologie et de psycho-pédagogie jusqu’à un doctorat. Sa thèse sur la thématique de l’auto-formation s’appuie sur son expérience d’enfant caché. Il devient professeur de psychologie à l’université de Mons-Hainaut (Belgique). Ses recherches portent d’abord sur la méthodologie de l’enseignement puis il s’oriente vers l’analyse du tabagisme et la violence transmise par la télévision. En 2017 paraît Le Traumatisme de l’enfant caché : répercussions psychologiques à court et à long terme, avec une préface de Serge Klarsfeld. Notre association l’a invité le 14 octobre 2018 pour une conférence sur ce thème.
Simha Arom (1930-….)
Simha Arom se retrouve au centre d’hébergement de Brens en 1941, à l’âge de dix ans ; il est alors accompagné de ses parents David et Liebe et de son grand frère Simche-Fred. La famille sera transférée en mars au camp de Rivesaltes d’où elle pourra s’évader ; en août 1942 les rafles s’intensifiant, Simha et Fred seront confiés à la maison d’enfants de Moissac puis, à sa fermeture en 1943, Simha sera caché à l’internat du collège public Jean Jaurès de Castres, et l’été suivant, à la ferme-école de Lautrec qui avait été confiée à un organisme protestant après le départ des Éclaireurs israélites de France pour le Maquis de Vabre ; les parents seront déportés. Simha deviendra plus tard un éminent ethnomusicologue, spécialiste de la musique des pygmées Aka de Centrafrique. Notre association l’a invité en octobre 2021 pour lui rendre hommage avec la présentation du film que Jérôme Blumberg lui a consacré, Simha, et l’évocation de son parcours exceptionnel. Un concert de musiques pygmées et une magistrale leçon d’ethnomusicologie ont complété cette manifestation.
Esther Granek (1927-1956)
Poète belge de langue française née à Bruxelles, autodidacte en raison des lois antijuives sous l’Occupation. En 1940 elle rejoint avec sa famille Bagnères-de-Luchon, avant d’être transférée au centre d’hébergement pour juifs étrangers de Brens. Elle peut s’échapper avec sa famille en 1941 et revient à Bruxelles. Elle sera cachée par des parents, puis une famille chrétienne et échappera ainsi à la déportation. Elle s’installera en Israël en 1956.
Brens, « camp de concentration » réservé aux femmes, 14 février 1942-3 juin 1944
Angèle Bettini, née del Rio (1922-2017)
Née à Toulouse le 20 mai 1922 de parents espagnols, Angelita est très tôt sensibilisée aux luttes sociales et rejoint à 15 ans les Jeunesses communistes. Durant la guerre d’Espagne elle s’engage avec des amis dans l’aide aux réfugiés. Le 5 novembre 1940 elle participe au premier acte de résistance à Toulouse : un lâcher de tracts sur le passage du maréchal Pétain, appelant à la lutte contre le régime de Vichy (voir la brochure éditée par notre association en mars 2010). Pour cette action elle sera d’abord incarcérée à la prison Saint-Michel, libérée en mars 1941, puis arrêtée de nouveau le 30 avril et conduite au camp du Récébédou, à Portet-sur-Garonne. Elle sera ensuite transférée au camp de Rieucros, puis à celui de Brens, et enfin à Gurs, d’où elle s’évadera le 28 juillet 1944, soit un séjour de plus de trois ans dans les camps. Elle ne retrouve sa liberté qu’en août 1944. Elle se marie après la guerre et s’installe à Toulouse en 1965 avec son mari et ses cinq enfants. Elle s’investit alors dans de nombreuses associations, privilégiant toujours l’importance de témoigner auprès des jeunes. Elle est devenue présidente de l’association Pour perpétuer le souvenir des internées de Brens et de Rieucros en 1993, et nous a toujours soutenus par son engagement déterminé et souriant dans notre projet d’historial. Elle publie en 2012 aux éditions Le Vent se lève : Comment j’ai résisté à Pétain, une conversation avec Catherine Heurteux Peyréga, son éditrice.
Odette Émilie Branger, née Capion (1913-2004)
Elle entre en 1931 comme employée aux Galeries Lafayette de Montpellier, milite à la CGT et adhère à l’association des femmes contre la guerre et le fascisme, puis au PCF en 1934. Arrêtée en décembre 1940 pour ses activités communistes, elle est transférée au camp de Rieucros puis à celui de Brens en février 1942. Relâchée en février 1943, elle travaille pour la Résistance. Dénoncée, elle est arrêtée le 8 février 1944, transférée à Lyon, livrée aux autorités allemandes en juillet 44 et déportée au camp de travail de Beerdorf, rattaché à Ravensbrück. Elle survit à la déportation et est rapatriée à Montpellier où elle reprend ses activités politiques. En 1946 elle épouse René Branger dont elle a une fille. Elle devient la première femme élue conseillère municipale à Montpellier. Elle travaille alors à la sécurité sociale dans cette ville, puis à Paris. Elle revient dans sa ville natale après sa retraite ; en 1980 elle est responsable de l’amicale des Vétérans du PCF de l’Hérault. Elle est décorée de la médaille militaire et de la Légion d’Honneur.
Michèle Domenech, née Heredia (1913-2003)
Née à Liria, province de Valence, fille d’ouvriers agricoles, émigrés à Boujan dans l’Hérault, elle épouse en 1930 Marc Domenech, secrétaire du syndicat des ouvriers agricoles de Boujan, et acquiert par ce mariage la nationalité française. En 1932 elle rejoint les Jeunesses communistes de Béziers où elle travaille depuis quelque temps dans une pâtisserie. En 1935 le couple s’installe à Montpellier et gère un restaurant coopératif. Pendant la guerre d’Espagne elle milite activement pour soutenir la République espagnole. Entrée au PC en 1937 elle va animer un comité de femmes contre le fascisme. En 1939 son mari est fait prisonnier, et ne revient qu’en juin 1945, après trois tentatives d’évasion ratées. Durant la guerre, Michèle poursuit ses activités de résistance au sein du PC dissous : agent de liaison, responsable d’une grande imprimerie clandestine dans le Tarn près de Tain-L’Hermitage où elle est arrêtée le 1er septembre 1943, internée à la prison de Valence puis de Grenoble. Transférée au camp de Brens le 22 décembre 1943, elle tombe malade et est admise à l’hôpital d’Albi où elle subit deux opérations. Grâce à l’intervention spectaculaire d’un groupe de FTP (Francs-tireurs partisans) le 29 avril 1944, elle peut s’en évader et reçoit par la suite de nouvelles missions. À Rodez elle fonde l’Union des femmes françaises dont elle sera la secrétaire. Elle rejoint son mari à Montpellier en juin 1945 ; le couple aura deux enfants, Gilbert puis Claudine. En mars 1950, lors d’une manifestation devant le palais de justice de Montpellier pour soutenir un militant opposé à la guerre au Vietnam, elle reçoit une grenade lacrymogène et devient aveugle. Le couple s’installe alors à Bagnolet (Seine) car Michèle a besoin de soins fréquents et subit de nombreuses opérations à Paris et en URSS mais en vain. Elle poursuit toutefois son action militante et devient conseillère municipale à Bagnolet, de 1954 à 1970. Elle est décorée de la Légion d’honneur le 19 mai 2000 par le ministre Jean-Claude Gayssot.
Pilar Garcia, née Ponzán Vidal (1906-1999)
Née à Huesca (Espagne) dans une famille libertaire, sœur de Francisco Ponzán Vidal, elle est d’abord institutrice à Jaca. Après le coup d’état militaire de 1936, elle est emprisonnée puis libérée grâce à l’intervention d’un beau-frère militaire dans le camp adverse. Début 1939 elle réussit à quitter l’Espagne par Bourg-Madame, et se réfugie en France, d’abord en Aveyron, où elle trouvera du travail. Par la suite, elle parvient à rejoindre son frère Francisco à Varilhes (Ariège) et s’associe étroitement à toutes ses activités de résistance et d’aide aux évasions, en particulier du camp du Vernet d’Ariège. C’est elle qui reçoit de Marshall, un officier du service Action du Military Intelligence, une importante somme d’argent et deux postes émetteurs radio pour renforcer le réseau créé par son frère. En septembre 1940, Pilar et Francisco déménagent à Toulouse : ainsi s’élabore depuis Toulouse une filière d’évasion importante (réseau Pat O’Leary) : 2000 personnes sauvées (aviateurs, juifs, résistants). Toutefois Francisco et Pilar seront arrêtés le 14 octobre 1942, et transférés à la prison Saint-Michel ; Pilar sera relâchée puis interpelée de nouveau et envoyée au camp de Brens le 23 octobre 1942. Son frère, après de longs mois d’interrogatoires, de procès, sera livré par l’intendant de police Marty aux allemands et fusillé en forêt de Buzet-sur-Tarn le 17 août 1944, ainsi que 50 autres prisonniers. Leurs corps seront ensuite brûlés ; à ce jour, seuls 19 d’entre eux ont pu être identifiés, dont celui de Francisco. Pilar vivait depuis de longs mois dans l’angoisse du sort réservé à son frère, très peu rassurée par les courtes lettres qu’il arrivait à lui faire parvenir depuis la prison Saint-Michel. Du camp de Brens, elle sera transférée au camp de Gurs ainsi que ses compagnes le 3 juin au soir ; elle s’en évadera le 27 juin 1944. Elle parviendra à reprendre contact près d’Oloron Sainte-Marie avec des réseaux libertaires et poursuivra des actions dans la Résistance. Ce n’est qu’après la libération de Toulouse qu’elle apprendra la mort tragique de son frère Francisco. Tous ces faits sont relatés dans l’ouvrage qu’elle publiera en 1996 à Barcelone : Lucha y Muerte por la libertad : memorias de 9 anos de guerra (1936-1945), Tot éd.
Elle recevra plus tard la Croix de Guerre. L’historienne Geneviève Dreyfus-Armand signale qu’elle fait partie des cinq femmes reconnues comme combattantes des FFI (Forces françaises de l’intérieur).
Johanna Shapiro, née Grothendieck, dite Franka ou Hanka (1900-1957)
Née à Hambourg, journaliste, écrivaine et comédienne, elle fréquente les milieux anarchistes à Berlin ; elle est la compagne du photographe Alexandre Tanaroff (ou Shapiro), anarchiste russe. Au début de la Guerre d’Espagne en juillet 1936 ils partent combattre aux côtés des républicains espagnols, confiant leur fils Alexandre à la famille d’un pasteur. A leur retour en France en 1939 ce dernier les rejoindra à Paris mais son père est arrêté et transféré au camp du Vernet d’Ariège, puis à Noé, et en août 1942 à Auschwitz où il est conduit à la chambre à gaz dès son arrivée. Hanka est internée au camp de Rieucros en Lozère, comme « indésirable » ; son fils va l’y rejoindre, puis tous deux sont transférés au camp de Brens le 14 février 42 ; Hanka y séjournera pendant 2 ans, et pourra en sortir pour raisons médicales le 25 janvier 1944 ; elle sera alors orientée vers le centre d’accueil ouvert par la CIMADE à Vabre dans la montagne tarnaise. Son fils déjà âgé de 14 ans à son arrivée au camp de Brens n’y restera que quelques mois, avant d’être accueilli au Chambon-sur-Lignon et de poursuivre sa scolarité au collège Cévenol. Ils se retrouveront à la fin de la guerre dans l’Hérault, puis en 1948 elle suivra son fils en région parisienne et s’établira à Bois-Colombes où elle décèdera.
Colette Sanson, née Lucas (1918-2006)
D’un milieu modeste, Colette après avoir fait un an de droit et des études d’anglais, doit chercher du travail et s’oriente vers le secrétariat. Sa connaissance de l’anglais lui permet d’obtenir un poste au service des Armées, à l’état-major de l’École militaire : elle décrypte en particulier les messages codés provenant de Hollande ; après l’appel du 18 juin lancé par le général de Gaulle, elle rejoint avec enthousiasme l’équipe d’officiers du général qui parcourt le pays. À Toulouse, elle rencontre un jeune avocat juif arrivant des Pays-Bas, naturalisé français, René Sanson : tous deux vont rejoindre le premier réseau de résistance qui s’est constitué au musée de l’Homme.
Le 20 décembre1940, à Vichy, ils sont arrêtés, interrogés sans relâche pendant trois jours ; mais ils nient tout et sont relâchés. Ils s’enfuient alors à Marseille où ils poursuivent leurs missions d’information, mais ils sont arrêtés de nouveau, le 18 août 1941 pour René, et le lendemain pour Colette.
Un tribunal militaire français la condamne alors à dix-huit mois de prison dont huit mois de secret à purger dans un sinistre ancien couvent, la prison des Présentines à Marseille, infesté de rats et de poux. Sa peine accomplie, Colette considérée comme terroriste, est alors envoyée au camp de concentration de Brens par un arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône en date du 6 novembre 1942. Dès son arrivée au camp elle participe aux activités mises en place par les politiques au foyer culturel : ateliers de français, cours de sténo sur des feuilles de papier où un clavier est dessiné, spectacles de théâtre et de music-hall. Mais elle ne pense qu’à s’évader et y parvient en compagnie d’une amie gaulliste le 23 août 1943 (voir la page Les évasions).
Libre, elle parvient à rejoindre Lyon où elle intègre le mouvement Combat et devient agent de liaison. René a pu la retrouver à Lyon mais il est très affaibli et tous deux décident de rejoindre Paris. Ils échappent ainsi de peu à l’arrestation de tous leurs amis du réseau Combat.
Colette et René vont se marier à Paris en janvier 1945. René aura des responsabilités importantes après-guerre dans le gouvernement provisoire de la République française : il sera secrétaire général du Travail puis participera à la conférence de San Francisco qui se terminera par la signature de la charte des Nations-Unies. En 1970 il sera le commissaire général de la délégation française à l’exposition universelle d’Osaka. Colette restera la collaboratrice fidèle de son mari, assurant tout son travail de secrétariat dans les différentes fonctions qu’il occupera. Ils auront 2 filles, Violaine puis Véronique, compositrice et chanteuse de grand talent.
Camélia Planque, née Alvarez (1926-1996)
Née dans les Asturies en Espagne, aînée des six enfants Alvarez, elle suit sa famille qui émigre en France à Alès, dans le Gard ; il s’agit d’une famille de militants formés au combat syndical. Elle s’engage très tôt dans les Jeunesses communistes, milite au Secours Rouge et fait l’objet de menaces d’expulsion. En 1935 elle épouse Paul Planque, délégué-mineur de la CGT et militant du parti communiste. Dès le début de la guerre d’Espagne en juillet 1936, son père Amador part combattre aux côtés des républicains : il y perdra la vie. Camélia, après la dissolution du PC en France, participe à la reconstitution du PC clandestin, et joue un rôle important dans la manifestation des ménagères à Alès, les 19 et 20 janvier 1942. Repérée par la police, elle est arrêtée et internée au camp de Brens durant deux ans. À sa sortie du camp début 1944, elle rejoint son mari Paul Planque au maquis de l’Aveyron où elle participe aux opérations de libération des FTP. Son frère Ange Alvarez, lui aussi militant du PC clandestin et résistant FTPF (Francs-tireurs et partisans français), sera le premier évadé du « train fantôme » qui, le 2 juillet 1944 emmènera vers Dachau les hommes, et vers Ravensbrück les femmes, dont Nativité, sa mère, et Arlette, sa sœur. Ces dernières survivront.
Charlotte Rosenthal, née Weiss, dite Liselotte (1905-1942)
Née à Leipzig en 1905, elle y suit une formation musicale puis la poursuit au conservatoire de Berlin et devient une pianiste de talent. Elle émigre en France en 1933 et s’installe d’abord à Paris puis à Megève (Haute-Savoie) en 1937. En juin 1940, elle est arrêté et transférée au camp de Gurs, où elle fera la connaissance du journaliste et photographe Rodolphe Landowski, avec qui elle entretiendra une correspondance suivie. Grâce à ses lettres, nous avons un témoignage sur la dureté des conditions de vie à Gurs et sur les initiatives culturelles proposées par les internées, en particulier les concerts donnés par Liselotte. En mars 1942, elle est transférée au camp de Brens dans la baraque des « politiques ». La fourniture par les Quakers d’un piano début avril lui permet de poursuivre ses concerts qui seront diffusés par haut-parleurs dans l’ensemble du camp : elle en donnera régulièrement le dimanche dans la baraque culturelle, jouera des œuvres de Mozart, Chopin, Brahms, Debussy ou encore Scriabine et improvisera sur des poèmes. Le 21 septembre 1942, elle est transférée de Brens à Rivesaltes, puis à Drancy et déportée à Auschwitz où elle sera exterminée.
Dora Schaul, née Davidson (1913-1999)
Allemande juive née à Berlin, elle émigre en 1933 à Amsterdam puis arrive à Paris pour rejoindre son compagnon Alfred Benjamin (Benn) à la fin de l’année 1934. Devenue proche du parti communiste elle s’engage dans les actions anti-fascistes. Pour subsister, elle exerce de nombreux petits emplois, et est aidée par le Secours Rouge international. Après la déclaration de guerre à l’Allemagne en septembre 1939 elle est arrêtée et incarcérée à la prison de la petite Roquette comme « ressortissante d’une puissance ennemie » et « étrangère indésirable ». Le 17 octobre elle est transférée au camp de Rieucros en Lozère. Elle y restera jusqu’en février 1942 puis sera envoyée au camp de Brens dans le Tarn. Durant ces mois d’internement elle participe activement à l’organisation de cours de langues, d’animations culturelles, dessine et prend des notes sur la vie du camp. Elle parvient à s’évader le 14 juillet 1942 et à rejoindre la Résistance à Lyon. Après diverses missions, sous de faux papiers, grâce à ses contacts avec le parti communiste, elle travaille à la poste des Armées. Elle peut ainsi suivre les mouvements des troupes dans le sud de la France, et établir une liste noire des membres de la Gestapo lyonnaise, dirigée par Klaus Barbie. En 1946, elle s’installe en Allemagne de l’Est et épouse Hans Schaul, dont elle aura un fils, Peter.
Elle se porte partie civile en 1987 au procès Barbie à Lyon ; elle décède à Berlin en août 1999.
La route Dora Schaul, passant devant le camp, est inaugurée à Brens le 12 mars 2006 en présence de son fils et de sa petite-fille. Une brochure éditée en décembre 2006 par notre association rappelle cet événement. Berlin lui rend hommage en 2009 en posant une plaque commémorative sur sa maison rappelant l’hommage rendu par le petit village de Brens.
Maria Meyer, née Sevenich (1907-1970)
Née le 24 avril 1907 à Cologne où son père était forgeron, elle fait une formation d’employée de bureau puis passe son baccalauréat en suivant des cours du soir. Étudiante à Francfort, elle milite au parti socialiste des Travailleurs puis au parti communiste allemand où elle fait partie de l’opposition trotskiste. Dénoncée en 1933 par un communiste, elle s’enfuit en Suisse où elle se détache du communisme pour se tourner vers l’église catholique et prononcer ses vœux. En 1937, elle se réfugie en France, à Paris, où elle est hébergée dans un couvent dominicain. En novembre 1939, elle est internée au camp de Rieucros comme ressortissante d’une puissance ennemie. Elle est très appréciée de ses camarades qui la dénomment « la sainte ». Après le transfert à la mi-février 1942 des internées au camp de Brens, elle s’occupe en tant que religieuse du groupe catholique du camp et elle entretient une correspondance régulière avec le curé de la paroisse. Elle a des relations privilégiées avec l’assistante de la Croix Rouge, elle aussi catholique. Nous avons découvert cette personnalité atypique grâce à ses notes manuscrites sur un cahier d’écolier retrouvé dans les archives de la paroisse de Brens qui nous a été transmis par l’association du Patrimoine brensol.
En juin 1942, à la demande des autorités d’occupation, elle est livrée à la Gestapo, en vertu de l’article 19 de la convention d’armistice. Elle est alors condamnée par un tribunal d’exception à deux années de réclusion criminelle. Après avoir purgé sa peine à la prison de Schwalmstadt, elle est de nouveau arrêtée par la Gestapo et incarcérée à la prison de Darmstadt d’où elle est libérée par les troupes américaines en 1945.
Après la guerre, elle s’est engagée à la CDU (démocratie chrétienne) de 1945 à 1948 puis au SPD (sociaux-démocrates). Son nomadisme politique semble s’expliquer par sa forte personnalité : ses convictions intimes ont toujours primé sur la discipline de parti ; elle a notamment fait une grève de la faim durant trente jours. Elle savait ce qu’était la faim pour l’avoir connue lors de son internement à Brens ainsi qu’elle en témoigne dans son cahier. En 1965, elle est ministre social-démocrate pour les Affaires fédérales du Land de Basse-Saxe. Diabétique, elle est décédée le 3 mars 1970.
Marina Strasde (1897-1949)
Née à Riga en Lettonie, elle se rend à Berlin en 1913 pour y faire des études théâtrales et devient comédienne en 1918. Elle entre au parti communiste en 1931 et doit s’exiler à Paris en raison de ses activités politiques.
En 1937 elle s’engage comme infirmière en Espagne dans les Brigades internationales ; évacuée en 1938 en Catalogne, elle revient à Paris en 1939. Le 2 mars 1940 elle est arrêtée puis internée au camp de Rieucros en Lozère ; elle retrouve dans ce camp des compagnes qui partagent les mêmes convictions politiques et joue un rôle important dans la création d’activités culturelles : pièces de théâtre, spectacles poétiques, écriture de poèmes et de chansons satiriques.
Transférée au camp de Brens en février 1942, elle continue à participer aux animations culturelles créées dans le camp pour maintenir le moral des internées mais doit être envoyée en août 1943, sur intervention de la commission sanitaire, au sanatorium du Coteau-Fleuri, au Chambon-sur-Lignon en raison de la gravité de son état.
Rétablie, elle va s’engager dans des actions de soutien à la Résistance sous le nom de Maria Salavin et rejoint dans le sud de la France le CALPO (Comité Allemagne libre pour l’Ouest). Elle revient vivre après la guerre à Berlin-Est où elle meurt en 1949 affaiblie par les diverses maladies dues aux terribles conditions d’internement.
Fernande Valignat, née Cognet (1906-1993)
Institutrice, épouse de Pierre Valignat, instituteur communiste, elle adhère au parti communiste en 1932. Révoquée de l’enseignement comme son mari début 1940, elle est arrêtée à son domicile en septembre et internée à Rieucros en Lozère, puis transférée à Brens. Dans ces camps, elle organise des cours de littérature, de français et de langues étrangères. Emprisonnée à Toulouse à la prison Saint-Michel pour sa participation à un mouvement de rébellion, elle sera acquittée en juillet 1943.
En 1946, elle se sépare de son mari, devient une militante communiste active de l’Allier, puis de la banlieue nord-est de Paris. En 1956, elle devient membre titulaire du comité central du PC.
À partir de 1961 elle devient très critique par rapport à la politique d’union préconisée par Waldeck-Rochet et s’affirme de plus en plus hostile à la ligne du parti. Toutefois, elle reste membre du bureau de l’amicale des Vétérans du PC dans les années 80.
Jane Vialle (1906-1956)
Née à Ouessa (Moyen-Congo) d’une mère congolaise et d’un père français qui la reconnaît très tôt, Jane va suivre son père lors de son retour en France en 1914 ; après son baccalauréat, elle devient journaliste et se replie en 1941 à Marseille où elle entre en contact avec la Résistance.
Arrêtée à son domicile en janvier 1943 elle est internée au camp de Brens pendant trois mois puis transférée à la prison des Baumettes à Marseille. Après son procès, elle sera libérée en décembre 1943. Elle reprend alors contact avec le réseau Combat qui la cache et poursuit ses activités à Lyon et Paris. Elle obtient à la fin de la guerre la médaille de la Résistance.
En 1945 elle fonde l’association des Femmes françaises pour faire mieux connaître les territoires d’Outre-Mer et crée deux résidences à Paris pour y accueillir des étudiantes avec un système de bourses pour leur permettre de poursuivre leurs études. Elle va aussi créer son propre parti politique en Oubangui-Chani où elle sera élue puis réélue sénatrice.
En 1949 elle sera désignée membre des Nations-Unies sur les questions de l’esclavage.
Elle meurt en 1953 dans un accident d’avion.
Dans une lettre adressée le 31 mai 1951 à une amie Pilar de Miquel, internée à Brens en même temps qu’elle, elle écrit : « …je peux dire que c’est de mon séjour à Brens et dans les prisons marseillaises que datent ma prise de conscience personnelle et cette vocation vers une vie plus utile. »
Betty Wittelsohn, née Rosenfeld (1907-1942)
Née en Allemagne à Stuttgart dans une famille d’origine juive ; elle suit une formation d’infirmière et est très tôt marquée par les idées socialistes et la cause des femmes. Elle partira en Palestine dans un kibboutz avec ses deux sœurs. Quand la guerre d’Espagne éclate elle s’engage aux côtés des républicains dans les Brigades internationales comme infirmière, à Murcie et Barcelone où elle épouse Sally Wittelsohn, originaire de Leipzig.
Réfugiée en France en 1938, elle est d’abord assignée à résidence à Millau : elle y travaillera dans une ganterie et soignera des réfugiés espagnols blessés, puis elle est internée aux camps de Gurs, de Rieucros puis de Brens dans la baraque n° 6.
Victime des importantes rafles juives organisées à partir du mois de juillet 1942, elle sera déportée puis exterminée à 35 ans à Auschwitz, via Drancy, le 7 septembre 1942 dans le convoi n° 29, le même que son mari Sally, interné au camp du Vernet-d’Ariège.
En 2021, l’historien Michael Uhl a fait paraître à Tübingen, Allemagne, un livre évoquant ce parcours hors du commun : Betty Rosenfeld, entre étoile de David et drapeau rouge.